23h je me mets au lit et attends que Morphée vienne me chercher. Mais elle ne viendra pas …
Je compte les minutes avant le réveil de 7h pour aller au travail et rien n’y fait , le temps me parait si long…
Long car je n’arrive pas à dormir mais surtout parce que j’ai mal. Je me dis que cela va passer. Mais cela ne passera pas …
Le réveil sonne comme à son habitude et vient la question « Vais-je travailler? »
C’est la première fois de ma vie que je me demande cela. En 5 ans , aucune absence répertoriée, un sentiment de culpabilité m’envahit à l’idée de ne pas aller travailler. On appelle ça la conscience professionnelle, je crois.
Puis, j’appelle ma mère (on fait tous cela quand on va mal), puis lui décris mes symptômes et elle me dit » on va chez le docteur ». Un peu hagard, j’ai mal mais je peux marcher. Le docteur m’ausculte quelques minutes et me dit « allez aux urgences ».
En 1 sec , j’ai des images plein la tête, des images fictives comme Grey’s Anatomy ou plus réelles comme celles que nous pouvons voir dans les médias. Je m’effondre en pleurs face à lui.
J’ai la phobie des hôpitaux, surement dû à ce traumatisme d’enfant où je suis tombée deux fois sur la tête au même endroit à deux semaines d’intervalles et dont je garde une cicatrice à droite à la manière d’Harry Potter. Malheureusement, je n’y ai gagné aucun pouvoir , dommage j’aurais bien aimé me téléporter.
Il essaye de me rassurer mais rien n’y fait , l’angoisse prend le pas sur le mal.
Arriver devant les urgences de l’hôpital Cochin, on m’indique l’entrée administrative pour faire mon admission. Je suis entourée dans la salle d’attente de personnes accompagnantes. Ils sont calmes, patients, moi je suis en larmes regardant de façon fantomatique la télévision.
Puis une porte coulisse, et arrive une infirmière qui appelle mon nom. Je n’ai plus le choix, il faut y aller. Elle me fait une prise de sang, me demande mon âge, mon poids.
Elle me dit de retourner dans la salle d’attente. L’angoisse bis.
Une deuxième fois, la porte coulisse.
Il est 11h, je rentre officiellement dans les urgences pour une consultation. On m’accompagne dans une chambre et m’indique de me déshabiller. J’attends 1h je crois, le temps me parait déjà si long. J’ai mal mais la douleur est supportable. Vient un médecin qui me pose toute sorte de questions et m’ausculte. Il me dit d’aller patienter dans le couloir.
Et là, vient le moment où tu as vraiment l’impression d’être dans Grey’s Anatomy. Tu es à la fois spectateur mais aussi acteur. Dans le couloir, je vois passer des hommes, des femmes, des enfants dans des états paradoxaux.Certains ont « juste » une jambe cassée, d’autres sont intubés. Je suis assise au fond du couloir me donnant une vue parfaite pour voir tout ce qui se passe. Comme devant la série, je ne veux pas perdre une seconde de chaque chose que je vois. Je suis fascinée, exténuée.
Le bal des brancards , des médecins, des infirmières, des pompiers est sans fin. Certains patients bourrés et surtout bruyants donnent un peu le sourire à ceux qui souffrent. Il n’y a pas de pause publicité comme sur TF1. Tout s’enchaine pendant des heures.
Je n’ai pas de téléphone, pas de montre, juste mes habits. Je ne sais pas quelle heure il est mais il doit être 15h quand une infirmière vient me voir. Elle me demande si cela va. Je lui réponds « oui un peu ». Elle continue en disant que c’est long car ils ne savent pas ce que j’ai. Là, ça ne va plus…
Elle m’informe qu’ils vont chercher un second médecin pour avoir une deuxième avis…
Une heure après, un deuxième médecin , vient m’ausculter, me pose encore les mêmes questions. Dans mon malheur interminable, je le trouve ultra-canon, et je m’imagine comme dans Grey’s Anatomy avec quelle infirmière il est. C’est le propre de la nature humaine je crois. Le sex, l’amour sont deux choses qui nous soulagent des moments insupportables.
Lui aussi m’indique, qu’il ne sait pas ce que j’ai et me dit qu’il va me faire passer un scanner. J’ai encore et toujours des images qui me viennent à l’esprit, un mélange d’images de journal télévision et de séries fictives. Je suis à la fois angoissée et apaisée.
Il doit être 18h à peu près quand une infirmière vient me chercher pour aller au scanne. Je parcours les milliers de couloirs de l’hôpital et arrive au sous-sol où deux personnes me font entrer dans une salle.
J’ai pour instructions de bloquer ma respiration pendant le scanne. Je m’allonge, bloque et ressorts.
Je remonte dans la salle de consultation. Et j’attends. Vers 20h30, une infirmière vient me voir. Elle me dit qu’ils ont enfin trouvé ce que j’ai. Les médecins hésitaient entre les ovaires ou une appendicite. C’est la deuxième option , soulagement (temporaire) . Elle me dit que j’ai une protéine C réactive un peu spéciale, ce qui les a faits hésiter. On m’a toujours dit que j’avais quelques chose de spécial, à défaut d’avoir les pouvoirs d’Harry Potter, j’ai une protéine hors-norme, je prends aussi.
21h mon expérience Urgences est terminée, on m’embarque sur un fauteuil roulant et m’amène jusqu’à ma chambre. J’attendrais 16h le lendemain pour me faire opérer.
J’ai passé 10heures aux Urgences. J’y suis entrée angoissée, perdue, en pleurs. J’en ressors différente, changée, apaisée. Les Urgences sont une expérience à part entière qui transforme toutes personnes qui y entrent. On prend beaucoup de recul sur les choses, on s’entoure des personnes les plus appropriées à notre vie, on ne s’arrête plus sur des futilités ou sur des comportements immatures. On est reconnaissant envers les blouses blanches et surtout on prend en compte toute l’importance de penser à soi et d’aider les autres.
J’ai un métier utile, au service des autres. Il n’a pas la même résonance que celui des urgentistes mais je crois que l’accomplissement de soi et de sa vie passe par un métier, une mission qui aide autrui.
Et vous?
J’aime beaucoup cette article, ça résume bien ce que j’ai eu également et ressentie au urgences